Gayda : Un Chemin de Moscou qui a évité la Bérézina

 

BY LAURENT BROMBERGER ON HOMMES & VINS

 

Ce fut longtemps une cuvée aussi singulière qu’appréciée dans bien des « bistronomiques » de la capitale. Mais avec la tentative d’invasion de l’Ukraine par la Russie, ce Chemin de Moscou a provoqué quelques réactions négatives et conduit à une baisse des ventes quelques mois durant. Son nom n’a rien à voir avec un coup marketing, explique-t-on au Domaine Gayda (Aude), il provient d’un arbre repère qui servait à l’Aéropostale. Et il y a vraiment un Chemin de Moscou dans le village de Brugairolles où est établi Gayda.

Et si l’on gratte un peu l’Histoire, ce Chemin de Moscou (24€) a sans doute des origines napoléoniennes. Est-il lié à ces grognards remontés de la fournaise espagnole pour finir congelés lors de la campagne de Russie de 1812. Une chose est sûre : c’est la cuvée phare du domaine Gayda qui en produit 120 000 bouteilles. Assemblage de syrah (59%), grenache (35%), cinsault (6%), il est réputé pour sa fraîcheur, son opulence et sa pointe de violette.

Les vignes ont été replantées sur un terroir argilo-calcaire autrefois planté de tournesols.

Gayda, lancé par deux anglo-saxons, un anglais et un sud-africain ayant réussi dans les affaires, a fêté ses 20 ans. Ils ont planté des vignes sur ce qui étaient avant des champs de tournesols. Force est de constater au fil des années que les deux fondateurs ont eu le nez creux en choisissant leur « french team », notamment Vincent Chansault, winemaker sans tabous ayant tourné en Australie et David Chardron, directeur commercial passé, lui, par la Nouvelle-Zélande.

Tim Ford a passé plus de 20 ans en Afrique à travailler dans l’horticulture. Au début des années 2000, il rencontre en Angleterre, Anthony Record et réalise ainsi son rêve, produire du vin en France.

Plutôt que d’intégrer l’AOP Malepère, l’équipe de Gayda a recherché la souplesse en jouant la carte des IGP Pays d’Oc dont ils sont devenus l’un des étendards tout en veillant à conserver un esprit de vin du Nouveau Monde. Avec une méthode, celle d’assembler les terroirs. Ainsi, si le domaine dispose de 50 ha de vigne en propre il achète autant en raisins à des partenaires fidèles par exemple l’équivalent en Minervois la Livinière.

L’autre trait caractéristique de Gayda réside dans l’innovation permanente, à la fois dans les cépages et les méthodes de vinification qui recourent aux cuves ovoïdes comme aux amphores par exemple tout en sulfitant le moins possible et en tout cas, pas pendant la vinification. Le fruit éclatant comme avec ce Free Style, assemblage de syrah, grenache, mourvèdre et carignan élevé 9 mois en vieilles barriques est l’un des résultats saillant de cette quête perpétuelle.

Il y a aussi les cuvées blanches. Comme cet Altre Cani (23€), (autre chemin en catalan) 100% grenache gris, frais, marqué par l’iode avec une belle amertume en fin de bouche. Plus facile et bon marché, le viognier (8€), assemblage de terroirs de schistes, se révèle frais avec une belle tension. De quoi lancer de belles conversations lors d’un apéro au comptoir.

ARTICLE – PARIS-BISTRO